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les nouvelles de Jacques Martel

les nouvelles de Jacques Martel

En toute humilité, je travaille ma pierre brute et j'écris pour mon plaisir, peut être le vôtre, pour polir la pierre qui est en moi sans autre ambition


" Qui abandonne une fois, abandonne toujours " 12/ La mare une nouvelle de Jacques Martel

Publié par Honneur et Patrie sur 22 Octobre 2019, 20:25pm

Catégories : #jacques Martel, #nouvelle

 " Qui abandonne une fois, abandonne toujours " 12/ La mare une nouvelle de Jacques Martel

Ils avançaient d’un pas sûr dans le noir. Pas un mot ne sortait de leurs bouches. Ils se dirigeaient grâce à la boussole. Ils devaient aller plein Nord. « Tu prends la grande ourse dite   grande casserole ». Tu prends la mesure entre l’avant-dernière et la dernière, que tu reportes 5 fois et tu as l’étoile du nord dite étoile polaire.

 

Ils n’avaient pas dévié puisqu’ils arrivaient à un point d’eau. « C’est pas possible, le patron est là » se dit Baudouin. Comment avait-t-il fait pour passer du coxage à la mare ?

 

« Vous faites le tour. De l’autre côté, un buisson, un instructeur. Vous laissez votre sac là-bas et vous revenez au trot. Go, bougez –vous ! Vous perdez encore du temps ! ». Tiens, il y avait eu un léger changement se dit Baudouin en rigolant intérieurement.

 

« Allez, allez, bougez-vous, le patron est de mauvaise humeur » nous dit l’instructeur doucement. Aussitôt-dit, aussitôt fait et ils étaient prêts du patron plus vite qu’il ne fallait pour le dire.

 « OK, un par un vous rentrez dans l’eau. Vous prenez le fil d’Ariane. Vous le suivez et vous ressortez sur l’autre berge. Compris ? Action ».

 

Cela semblait presque trop facile. Baudouin se mit à l’eau le premier. Celle-ci était étonnamment « presque » pas froide pour l’époque. Il avançait sans hésiter jusqu’à avoir de l’eau au menton. Il progressait, tenant ferme le fil d’Ariane. Il avançait à pas cadencés, se demandant si un plongeur avec appareil sans bulle ne viendrait pas le choper sous l’eau, quand il apercevait devant une forme.  Un homme en tenue de plongé. Mince, il allait bien devoir se battre dans la flotte. La fatigue plus un élément qu’il ne connaissait que trop peu, le combat était déséquilibré ; mais il se refusait à le dire perdu d’avance. « Sur un malentendu »…

 

« Bon, tu peux peut-être accélérer bonhomme, je ne vais pas t’attendre toute la nuit à me geler les couilles pour tes miches ! ». Sans lâcher le fil d’une main, il serrait le poing sous l’eau. « Alors écoute bien. Tu ne lâches pas le fil d’Ariane. Quand je te tape sur l’épaule, tu mets la tête entièrement sous l’eau 1 minute. Je dis bien 1 minute. Au bout d’une minute, je te tape sur l’épaule, tu sors la tête de l’eau. Tu sors la tête de l’eau avant une minute, je te refous au bac et je te tiens sous l’eau 1 minute et demie. Capitch ? » « Reçu ».

 

Trop heureux de ne pas avoir à se battre Baudouin mit la tête sous l’eau à peine la tape sur l’épaule reçu, sans plus prendre son souffle. Sauf que 1 minute… dans la bourgeoise, c’est court, mais pour qui ne fait pas d’apnée, c’est long, très long, très très long… Il regardait la surface et l’instructeur n’avait pas l’air enclin à mettre la main sous l’eau…. Les bulles suivaient les bulles… Vint enfin la main libératrice. Sortant de l’eau avec force et vigueur, l’oxygène emplissait ses poumons. Dieu que mourir noyé devait être horrible. Il lui revint à l’esprit un souvenir d’adolescence en Espagne (1).

 

« Ok, tu suis le fil d’Ariane jusqu’à l’autre berge. Casse-toi ». Bien sûr, aborder la berge ne fut pas une mince affaire. Les instructeurs avaient même pensé à ce type de détail. Elle était très en pente et faite d’une glaise à la fois glissante, dérapante et lourde. Son uniforme pesait une tonne, les rangers idem donc deux tonnes. Pffff il commençait à en avoir plein le cul. La fatigue s’ajoutait à la fatigue. Arrivé sur la berge, il fallait passer sous buisson pour retrouver l’instructeur avec les sacs. « Et ça continue » décidément ils avaient pensé à tout tout pour casser les rythmes, les corps, les esprits et les volontés. « Debout, garde à vous ! ». D’instinct il s’exécutait Mais rien ne venait que le silence. Christian ne tardait pas à sortir du trou du buisson et voyant son comparse au garde à vous, il venait se mettre à l’identique. Rien, juste le silence. Les corps réagissaient et se mettaient à trembler.

 

« Ne tremblez pas ! Vous n’avez pas froid ! Le froid comme la douleur, c’est juste une information, une vue de l’esprit. Ne subissez pas ! Ne montrez jamais que vous subissez ou vous vous soumettrez ». Ça c’était du patron dans le texte, mais comment faire pour arrêter de trembler quand on est transi et avec un uniforme trempé ? ». Mais combien de temps allait devoir durer cette torture ? Il eut la réponse au bout d’un moment en entendant au loin le patron qui donnait les instructions au binôme suivant. Le dit binôme serait arrivé 2 minutes après eux ou une heure que cela n’aurait rien changé, ils auraient dû tenir la position.

 

« Repos ! Changez-vous !». Baudouin obtempérait quand l’instructeur ne le quittant pas des yeux «  mais qu’est-ce que tu fous la queue à l’air ? ». «  J’ai craqué mon slip ». « Quoi !, Tu t’es chié dessus ? ». « J’ai pas dit que je me suis chié dessus, j’ai dit que j’ai craqué mon slip. L’élastique a pété ». « Mouai je m’en fous ». Pendant qu’il se changeait, l’instructeur lui fit un trait d’humour que les deux ne goûtaient pas : «  Tu feras gaffe, ta copine à la bite à l’air ». Voyant que sa blague avait fait un flop « Vous allez derrière ce bosquet, vos confrère sont là-bas. Go ».

 

Et c’est bien sûr en courant qu’ils allaient dans la direction indiquée. Sur place, d’autres binômes couchés les uns contre les autres. « Vous vous couchez là et vous attendez ». La chaleur des corps faisait émaner un bien-être, une douce chaleur qui faisait du bien et qui, la fatigue aidant, amenait le sommeil. Sans lutter, profitant d’un instant de répit, il laissait le sommeil le prendre malgré l’appréhension. Il entendait juste avant que Morphée ne l’emporte, le patron dire à une stagiaire « Arrête de chialer ! Tu chiales devant toutes les difficultés dans la vie ?! Tu vas renter dans l’eau parce que tu peux le faire, c’est toi qui va le faire et quand tu auras affronté ta peur et que tu en seras sorti vainqueur, alors tu te rappelleras de cette expérience et toute ta vie tu l’utiliseras pour passer tes difficultés. A l’eau ».

 

La dernière tirade fut dite sur un ton apaisant, rassurant, rassérénant, humain. C’est fou cet homme était capable par la violence verbale, par la douceur, par les yeux, par ses mots, par son attitude, de tirer le meilleur des hommes qui étaient devant lui. Il était de la race de ces chefs qui disaient « suivez-moi » et non pas « en avant » dans la mitraille. Il était de la race de ces chefs qu’on avait envie de suivre jusqu’au bout dans la mitraille.

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