Dans la nuit, il retrouvait son binôme. « Comment va ? » « Je suis fracassé » « Et moi donc ». Sans plus de mot, il sortait le nécessaire pour monter la tente de terrain. Elle n’avait rien de la tente vendue par une célèbre marque et qui se dépliait en deux secondes. Non, là il fallait tirer un boot entre deux arbres, mettre une toile par-dessus, la caler au sol par des coins, et fermer l’avant et l’arrière « pour être au chaud », mettre une toile au sol « pour être au sec », surélever les rangers, les chaussettes pour les faire sécher et éviter de trouver des habitants piquants ou mordants dedans au matin, changer d’uniforme pour dormir afin de ne pas s’endormir dans sa sueur et donc geler dans la nuit, puis fermer le sac de couchage jusque sur la tête tout en mettant un châle sur son visage afin de garder la chaleur, sans s’étouffer toutefois.
« Tu peux me donner de l’eau ? » « Elle est parfaite pour le Ricard ». Christopher lui tendait une bouteille en plastique dans laquelle se trouvait un glaçon. « Bon, ben… Je boirai demain ». Ce qui n’était pas sérieux. Il fallait combattre la déshydratation qui pouvait arriver été comme hiver du fait des efforts. Et qui dit déshydratation dit maux de tête, puis céphalée, pouvant dériver sur des migraines, et qui dit migraine dit abandon.
Bref, pensant à migraine, il pensait à Marj. « Je reviens » dit-il à Christopher. Il cherchait « l’élément féminin » qu’il trouvait alors qu’elle entrait dans sa tente. « Marj, ça va ? » «Cool, je n’ai jamais été aussi bien, même pÔ mal. Viens rentres, j’ai besoin d’un coup de main ». Alors qu’ils étaient dans la tente, elle lui tendait sa lampe sur laquelle elle avait mis un cache rouge, question de discrétion dans la nuit. « Tiens moi ça. Je me suis fait shooter grave avec le masto, je veux voir l’état de mes jambes ». Il fallait toujours dans les instants de repos, régulièrement, faire un check de l’état de sa peau, des hématomes, des plaies, afin de voir s’il y en avait des nouveaux, et vérifier si les anciens ne dégénéraient pas. Là aussi, cela conditionnait la potentialité de la suite d’un stage ou de la survie sur le terrain. Elle était pleine de bleus sur les tibias et l’entre-jambe. Le masto s’en était donné de bon cœur avec les jambes.
A ce moment, leur regard se croisait. Elle interrompit le silence. Elle lui prit la nuque avec les mains et s’allongeant, elle lui dit « viens ».
L’affaire faite, il reprenait ses esprits. Il n’avait pas intérêt à se faire choper par l’encadrement dans la tente d’un élément féminin. Ce qu’ils avaient fait été inconscient. « J’y vais » «Je sais ». Elle savait la nécessité qu’il la quitte.
Arrivé à sa tente Christopher dormait à poings fermés. Il ne le sentait pas se coucher, et lui-même eu du mal à sentir un stagiaire qui venait le secouer pour prendre le quart. Il avait l’impression d’avoir dormi deux minutes. Il allait chercher Marj avec qui il devait tenir un quart de trente minutes. Elle dormait aussi comme un ange.
« Marj, réveille-toi, c’est à nous de prendre le quart. » Le nous se transformait très vite en lui. Elle s’asseyait entres ses jambes, appuyait son dos contre son torse et il ne tardait pas à la sentir s’endormir. La nuit était plutôt claire. Il adorait la nature. Il sentait les éléments quand il était dans la nature. En cela, il se disait bien plus écolo que tous les écolos car lui la nature, il ne l’éprouvait pas comme ces révolutionnaires de salon qui se seraient à appeler maman dès la première nuit dans la nature.
La demi-heure passait relativement rapidement. Il secouait doucement Marj. « Va réveiller les suivants ». « Bah viens avec moi ». « Non, si on quitte le quart tous les deux, qu’ils sont autour de nous à nous mater, ils en profiteront pour nous attaquer ; quand bien même, je suis persuadé qu’ils ne vont pas nous attaquer, l’aube va bientôt se lever ; allez va y ».
Il retournait ensuite dans sa tente pour le sommeil du juste. Il entendait en fait la détonation de la seconde grenade, pas de la première. Il ne sut que par la suite qu’il y avait eu deux grenades lancées. « Bon dieu, mais ils ne vont pas s’arrêter. Putain, j’en ai ma claque ! ». Les instructeurs étaient nombreux et se relayaient ; donc eux pouvaient se reposer et être frais et dispo pour tirer sur la couenne de stagiaires.
« Dépêchez-vous ! Formez les rangs ! Vous êtes tous morts ! Si on vous dit de former des quarts, c’est pour contrer les attaques. On arrive, tout le monde pionce ! Vous êtes tous morts ! En position ! »
Et les voilà dans la nuit à pomper de nouveau. « Barrez-vous ! Et formez les quarts correctement cette fois ! ». De toute façon, vu le temps qu’il restait à dormir…